Ayant poussé jusqu’à la ferme Meierhof pour voir le vieux tilleul touché par la foudre, il vaut la peine de s’y attarder pour se remémorer l’un des contes sempachois les plus célèbres, qui est précisément lié à ce lieu précis. C’est l’histoire de « La sorcière Sträggele », telle qu’elle est racontée dans le petit fascicule « Sempach geschichtsträchtig » (Sempach porteur d’histoire), édité en 2011 par la Ville de Sempach et qui peut être téléchargé (dans sa version originale en allemand). Voici une traduction de ce conte.
La sorcière « Sträggele »
Depuis des temps immémoriaux, la ferme Meierhof se trouve devant la tour nord-est de la petite ville de Sempach. Un paysan aisé y habitait autrefois avec sa famille. Il avait une fille, qui n’obéissait pas volontiers, qui avait mauvais caractère et qui tenait tête à ses parents. Elle rechignait tout particulièrement à rentrer chez elle le soir venu. La mère prévenait souvent sa fille que la sorcière « Sträggele » allait certainement venir une fois pour la chercher. Mais tant les avertissements et les mises en garde que les réprimandes et les menaces n’avaient aucun effet sur la fille.
Un hiver, alors que la nuit de la « Sträggele » approchait et que la petite faisait à nouveau preuve d’un comportement inadmissible, la mère fit entrer le valet dans le petit salon pour lui dire : « Ce soir, je veux effrayer notre fille, car elle n’obéit absolument pas. Lorsqu’il fera sombre, il faudra que tu viennes devant la maison. Frappe à la fenêtre et je te passerai alors notre fille. Fourre-la dans un sac que tu nous apporteras un peu plus tard. Peut-être qu’elle sera ensuite plus obéissante. »
La « nuit de la Sträggele » tomba, sombre et menaçante. Lorsque le hibou commença son chant fantômatique dans le « Mühlital », la petite gorge toute proche, et que la chouette cria dans la tour de garde, le petite recommença à se déchaîner. La mère prit alors son enfant et alla avec elle jusqu’à la fenêtre. Elle l’ouvrit et cria dehors dans la nuit noire : « Sträggele, viens et prends mon enfant ! » Elle souleva la fillette jusqu’à la fenêtre et la passa dehors. Un cri effroyable s’éleva alors. L’enfant se sentit saisie par le bras et tirée dehors dans la nuit sombre. Puis tout redevint tranquille.
Pensive, la mère referma la fenêtre et alla à table pour prier avec les autres. A peine s’était-elle assise qu’on frappa à la vitre. Blême de peur, elle retourna à la fenêtre et regarda dehors. Elle reconnut une forme sombre et ouvrit la fenêtre.
Voyant qu’on ne lui passait pas d’enfant, le valet éleva la voix pour demander : « Où donc est la fille ? ». Remplie d’horreur, la femme demanda : « Ne viens-tu pas juste de passer ? Ne t’ai-je pas déjà donné l’enfant ? » Le valet répondit par la négative. Saisie de peur, la mère se précipita dehors pour appeler l’enfant et la chercher. C’est alors qu’elle découvrit avec horreur les deux nattes de sa fille accrochées à la porte d’entrée ! La menace était devenue vérité : la « Stäggele » était bel et bien venue chercher sa fille.
A proximité de la maison, on retrouva les habits de la pauvre fillette. La mère fit ériger à cet endroit une chapelle qui s’y trouve toujours. Des parents dont les enfants étaient difficiles à éduquer se mirent alors à amener dans cette chapelle des tresses de lin et des fouets de bouleau en guise d’’offrandes. On prétend que de nombreuses années durant, durant la période de l’Avent, on pouvait encore entendre des pleurs de cette fillette dans le Mühlital, là où habitait la « Sträggele ».
(Ferme Meierhof, à l’entrée nord de Sempach, 11.06.2015. La photo a déjà valeur d’archive historique, puisque le grand tilleul malade et touché par la foudre a maintenant été abattu.)
Ce conte est effrayant et illustre des méthodes d’éducation d’un autre temps ! Ouf ! Pour les français (et aussi tous ceux qui connaissent la célèbre chanson enfantine), cela nous fait penser à « Sur l’pont du Nord… » . J’apprends que le vieux tilleul a été abattu et cela me désole, surtout après -déjà – la mort des cigogneaux !